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De la façon de construire une plateforme communautaire sur mesure

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Dernièrement, quatre campagnes de masse associées, collectivement menées par 1Sky, Clean Energy Works, la Energy Action Coalition et Focus the Nation, se sont données pour mandat la mise sur pied d’une cyberplateforme communautaire sans précédent; il s’agissait pour nos quatre organisations d’un geste d’engagement pour fournir un appui commun à une cyberplateforme commune, que nous avons baptisée « Le réseau action climat ».

Malgré un investissement financier important, malgré des heures de planification, de programmation, de révision, de conception, d’interventions directes et de formation pour assurer le succès de ce projet, en fin de compte, nous n’avons pas pu accomplir ce que nous avions escompté. Nos aspirations pour la cyberplateforme en organisation n’ont jamais pu égaler ni le succès ni la stratégie d’approche de la communauté d’organisation hors ligne. Après 12 mois, nous avons donc mis un terme à ce projet.
Que s’est il passé? Un certain nombre de choses ne se sont pas déroulées comme prévu, malgré tous les efforts déployés par nos quatre organisations, par nos employés et par plusieurs des membres dynamiques et travaillants de notre communauté. Toutefois, presque tous ceux impliqués dans le projet ont dit que si c’était à refaire, ils n’hésiteraient pas, mais, cette fois, après une préparation et une planification adéquates.

Si votre campagne, votre mouvement ou votre cause sans but lucratif envisage la mise sur pied d’une cyberplateforme d’organisation ou d’un cyberoutil communautaire pour intercéder en faveur des intérêts que vous défendez, nous espérons que notre histoire vous permettra d’éviter certains pièges et de réussir vos objectifs en matière d’organisation cybernétique.

Faire l’erreur de ne pas apprendre de ses erreurs

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En 1972, peu après la guerre de libération, CARE m’a envoyé au Bangladesh, “un pays qui fait penser à une empreinte digitale dans un vaste continent” comme l’a décrit avec tant d’éloquence Tahmima Anam. Je devais travailler à un projet coopératif pour l’usage de propriétés inoccupées comme logements (self-help housing). Nous fournissions les plans, les matériaux et l’assistance technique pour aider les gens à construire eux-mêmes, à faible coût, des maisons pouvant résister aux cyclones. Nous avons importé des milliers de tonnes de ciment et assez de feuilles de tôle ondulée pour couvrir une dizaine de terrains de football. Le projet était colossal, mais il a échoué. Les maisons furent construites, mais les coopératives – qui étaient sans doute l’élément le plus important parce qu’elles visaient à générer des fonds destinés à l’emploi et au développement agricole à long terme – échouèrent lamentablement. Nous avions un grand bureau à Dhaka – ou Dacca – beaucoup de jeeps, de camions et de hors-bord en plus d’un personnel international nombreux débordant d’énergie et de bonne volonté. Notre seul problème, c’était que nous n’avions à peu près aucune idée de ce que nous faisions.

Pendant qu’à Dhaka je commandais du ciment en quantité industrielle de Thaïlande, une toute petite organisation se formait à l’autre bout de la ville et dans les régions rurales reculées de Sylhet, au nord. Je me souviens d’avoir rencontré Fazle Hasan Abed au moins une fois en 1972 ou 1973 et d’avoir entendu des gens parler de BRAC avec une sorte d’admiration. BRAC ne faisait rien de remarquable à cette époque qui puisse inspirer une telle attitude, mais tout était remarquable en ces terribles années d’après-guerre. Ce qui frappait les gens, c’était que BRAC était un organisme de développement bangladais, une chose inimaginable dont peu de gens de l’extérieur avaient entendu parler.

Au fil des ans, j’ai eu la chance de retourner au Bangladesh à plusieurs reprises, souvent pour travailler avec BRAC à la conception d’un projet, à une évaluation ou à un rapport. À chacune de mes visites, l’organisme avait évolué. Il y avait toujours du nouveau : dix mille nouvelles écoles, une laiterie, une université, un traitement efficace contre la tuberculose. En 2007, les micro-prêts à vocation sociale accordés par BRAC atteignaient un milliard de dollars. Un milliard. Ce qui est remarquable, c’est que BRAC a remporté tous ces succès dans un des climats les plus hostiles du monde, aux niveaux météorologique, économique et politique. Aujourd’hui, BRAC implante son modèle dans d’autres pays d’Asie et d’Afrique.

Apprentissage

Le projet d’habitation de CARE a échoué parce que nous étions pressés et présomptueux, nous n’avions pas une connaissance suffisante de la culture et de l’histoire de la région, et nous avons négligé le travail préparatoire qui aurait pu nous aider à prévoir ce que nous allions apprendre plus tard à nos dépends. BRAC aussi a dû faire son apprentissage, que ce soit par l’étude, l’expérimentation et même l’échec. Contrairement à ceux d’entre nous qui ont quitté le Bangladesh pour d’autres projets, BRAC est resté. Grâce à l’expérience acquise et à la mise en application des leçons apprises, ses activités se sont étendues et BRAC est maintenant sans doute l’un des organismes de développement qui a le plus d’impact au monde.

Le monde du développement n’est pas cartographié. Si nous savions comment éradiquer la pauvreté, nous l’aurions fait depuis longtemps. Pourtant, la gestion de ce genre de projets se fait toujours en prenant le moins de risques possible; les donateurs exigent des résultats et sanctionnent l’échec. Les projets de développement ne doivent pas simplement éviter les risques encourus lors de l’exploration de nouvelles méthodes et rejeter les échecs. On doit apprendre, se souvenir de ce que l’on a appris et l’appliquer. C’est ce qui distingue l’information, dont nous sommes aujourd’hui inondés, et le savoir, dont nous n’aurons jamais assez.

Faut il le voir pour le croire?

Échec

Bon, d’accord, je veux y bien écrire quelque chose, à ce cybercarnet, parce qu’il est intéressant. Je crois en l’apprentissage par ses erreurs, mais j’aimerais vous rappeler que nous ne pouvons pas tous dévoiler les erreurs que nous avons commises!

Au milieu des années 1990, j’étudiais les dynamiques du genre féminin chez les femmes en milieu rural, dans l’ouest du Kenya. De façon générale, les ONG, les donateurs et les tiers se montraient particulièrement préoccupés par les groupes de femmes.

Apprentissage

Quant à moi, j’ai découvert qu’une bonne compréhension du rôle des hommes dans les groupes de femmes était nécessaire. Autant le développement rend les femmes invisibles, autant il a fait disparaître les hommes, même ceux qui étaient actifs au sein de groupes communément appelés « groupes de femmes ». Je vous invite à lire l’histoire de Frances Cleaver dans son livre, Masculinities Matter! (2000), en vente à Zed Books, sinon à communiquer avec moi pour vous en procurer un exemplaire.

Arrêtons de faire les futés

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En 1988, je travaillais à la mise sur pied d’un programme de prévention des risques de catastrophes naturelles dans Rift Valley, en Éthiopie. À cette époque, le gouvernement du Derg, qui était de tendance « marxiste albanaise », était toujours au pouvoir. L’administration locale, qui gérait les associations de femmes, nous avait demandé d’aider en leur achetant un petit moulin à grains pour réduire le processus manuel de mouture et éviter à ces associations de devoir payer aux propriétaires des moulins locaux des montants exorbitants afin de pouvoir moudre leur grain. À l’époque, après un examen des chiffres, j’en étais venu à la conclusion qu’un tel investissement ne serait pas significatif. En effet, il n’épargnait pas vraiment de travail ni d’argent aux femmes, et l’investissement mettrait un certain temps avant de générer un réel bénéfice.

Cependant, lorsque le régime militaire s’est effondré et qu’on a assisté à une vague générale de pillage dans cette région, les femmes se sont relayées pour monter la garde, jour et nuit, formant un cordon humain autour de leur moulin.

Apprentissage

La valeur réelle du moulin n’était pas d’ordre pécuniaire, mais plutôt liée au sens de renforcement de leur autonomie et à l’espoir qu’il leur procurait.

Voici la leçon à en tirer : il faut d’abord laisser tomber ses idées préconçues et tâcher de voir avec les yeux de ceux que l’on souhaite aider. Pour commencer du bon pied, on doit d’abord prendre le temps d’écouter et de comprendre et non se complaire dans son ingéniosité.

Échec ou réussite de l’industrie du coton

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Selon la plupart des témoignages, l’industrie du coton en Zambie se portait à merveille au moment où le projet PROFIT a été lancé. Financé par l’Agence américaine pour le développement international, ce projet avait pour objectif d’augmenter la compétitivité de la Zambie dans le secteur agricole et, par le fait même, de réduire la pauvreté. Dès les balbutiements du projet, le potentiel de l’industrie du coton avait été évalué par le biais de nombreuses analyses de l’économie et d’analyses faites par des donateurs, et il en était ressorti qu’il serait profitable de continuer à miser sur le succès de cette culture, qui représentait un fort potentiel d’exploitation.

Par contre, lorsque les gestionnaires du projet ont mené leur propre analyse pour valider les résultats de précédentes études sommaires, le tableau qu’ils ont obtenu différait du tout au tout. En effet, celui ci montrait que volume des récoltes était figé, que les transformateurs se faisaient une compétition intense en cherchant qu’à ce qu’il n’y ait qu’un seul gagnant, et que le manque de confiance entre tous les joueurs de la chaîne des valeurs était devenu important. Par ailleurs, l’analyse révélait que très peu de profits étaient versés aux fermiers et aux entreprises impliquées; également, on observait une concentration malsaine du risque au niveau du processus de transformation. Quant à la quantité de coton cultivée, elle dépendait étroitement de la production globale et du nombre de fermiers impliqués par le biais du transformateur. De plus, l’on notait chez les fermiers la perception que la terre et le coton ne leur appartenaient pas, qu’on leur donnait des graines pour qu’ils travaillent un peu sur la terre — les récoltes étaient donc limitées — et qu’ils redonnent ensuite à la compagnie le coton récolté en échange d’une très modique somme d’argent. Ils ne vendaient que leur main d’œuvre, car ils n’avaient pas d’autre option.

Les gestionnaires du projet, lorsqu’ils furent confrontés à cette conclusion en complète contradiction avec les perspectives optimistes de l’industrie voulant que tout aille à merveille, ont décidé de rencontrer les divers transformateurs pour les aider à restructurer leur approche économique pour permettre précisément l’augmentation des récoltes des fermiers et leur rentabilité globale. On s’en doute bien, les efforts mis de l’avant par le projet pour que l’industrie s’implique ont échoué sur tous les plans, à l’exception de certaines mesures pour donner aux fermiers une formation qui consistait, grosso modo, à leur montrer des méthodes qu’on leur avait déjà montrées, mais qu’ils n’avaient pas adoptées.

À partir de 2006, les conditions qui, malgré un facteur important d’inefficacité, avaient jusque alors permis de faire progresser l’industrie du coton à la Zambie se sont détériorées. L’on notait, entre autres, une tendance à la baisse des prix du coton, un accroissement du nombre d’occasions offertes aux fermiers de vendre leur main d’œuvre et l’augmentation rapide de valeur de la devise interne; enfin, le niveau de risque que comportait la transformation ne laissait que peu de marge pour l’erreur. Avant longtemps, les transformateurs de coton qui avaient cessé de s’impliquer dans le projet sont revenus pour demander à s’impliquer de nouveau.

Par la suite, les organisateurs du projet ont travaillé avec une gamme d’entreprises de transformation pour les amener à convertir leur méthode de gestion des approvisionnements agricoles, le but étant de réduire les risques agissant sur l’offre en priorisant l’approvisionnement des fermiers productifs. S’il est vrai que le projet a remporté un certain succès en ce qui concerne l’amélioration de la gestion d’approvisionnement des entreprises et la qualité des échanges entre les fermiers et les transformateurs, le projet en tant que tel a échoué dans son objectif d’épargner à l’industrie du coton de vivre une période difficile. Par ailleurs, dans ses moments prolifiques, ce domaine comptait plus de six entreprises actives, mais seules quelques une subsistent encore. Celles là, toutefois, ont bien saisi l’importance de deux choses : l’apprentissage par l’échec, et la nécessité de miser sur des principes clés comme la productivité et la mise en place de méthodes où tous sont gagnants. Ainsi, lorsqu’un échec survient, ces entreprises peuvent apprendre rapidement et s’ajuster efficacement.

Apprentissage

Conséquemment, même si ce projet était un échec dans la mesure où ses interventions n’ont pas empêché le ralentissement de l’industrie du coton, et même si l’industrie du coton n’a pas repris sa vigueur par la suite, cette expérience semble avoir consolidé un fondement systémique. L’efficacité des relations où tous sont gagnants, dans le système de chaîne de valeur restant, a permis de mettre sur pied de nouveaux services permettant de faire évoluer les régions rurales telles, par exemple, l’arrosage et la préparation des terres. Les récoltes ont augmenté et les fermiers qui sont restés voient davantage leur rôle comme étant celui de fermiers, et non plus de main d’œuvre. C’est donc dire que le véritable succès ou le véritable échec du projet dépendra de la stabilité de production du coton; si ce secteur continue à échouer, on apprendra de son échec et on apprendra comment échouer en limitant les dégâts.

Indonésie : Échec en microcrédit

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J’ai démarré mon entreprise en microcrédit en Indonésie au cours du mois de février 2008. Au milieu de l’année suivante, l’entreprise avait à son actif plus de 400 membres, et le taux de remboursement dépassait 90 %. Nous accordions des prêts variant entre 100 $ et 200 $ à des propriétaires de petites entreprises.

Toutefois, notre plan d’expansion rapide s’est retourné contre nous. Mon équipe en Indonésie et moi même ne choisissions pas soigneusement nos clients de petites entreprises. En 2010, je suis allé en Indonésie et je me suis rendu compte que nos clients empruntaient de l’argent sans avoir une planification d’opération adéquate. Peu de temps après qu’elle ait obtenu un petit prêt, leur entreprise se trouvait en difficulté. Certains utilisaient l’argent pour l’achat de biens de consommation.

En 2010, le taux de remboursement a chuté à 50 %. Nous nous démenons maintenant pour faire augmenter le taux de remboursement à un pourcentage viable.

J’ai donc décidé d’augmenter le taux d’intérêt afin que les microprêts ne soient plus une option économique. Il semble que nos clients nous aient pris pour acquis. L’argent de nos microprêts était prêté à des usuriers; notre argent « économique » n’était pas considéré comme une source précieuse. Jamais je n’aurais pensé que mon projet puisse aboutir ainsi.

Leçons tirées d’un projet de détection de mines

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Il n’est pas facile de faire face à l’échec. On a tendance à l’enterrer et à le taire. Dans le secteur des entreprises à but lucratif, souvent, l’échec est évident. On peut savoir si telle entreprise a du succès parce qu’elle doit rendre son chiffre d’affaires public. L’explosion d’une entreprise en technologie sera rapidement identifiée. Le secteur social est reconnu pour son aversion au risque, et ceci motive à ne discuter que des succès (ou encore à parler, comme si c’étaient des succès, des projets à la limite de l’échec ou ayant échoué).

Je suis convaincu que nous devons assumer les échecs. Il est préférable d’avoir totalement échoué à l’occasion que de n’avoir jamais rien essayé. L’étendue et l’importance des problèmes sur la planète exigent qu’on intervienne autrement que par de timides tentatives.

Plus tôt cette année, la direction de notre programme humanitaire de détection de mines et moi même avons décidé de mettre notre projet sur la glace. Ted Driscoll, un entrepreneur notoire dans une série de projets qui s’est maintenant converti au capitaliste, s’était servi d’une technologie de détection d’explosifs financée par l’armée pour essayer de créer un détecteur de mines abordable pour des fins humanitaires. Nous avons fait des études de marché poussées sur les défis que pose le déminage dans le monde, et avions publié un rapport exhaustif sur nos découvertes.

Pendant presque deux ans, nous sommes demeurés convaincus que nous aurions bientôt accès à cette technologie. Puis, au bout du compte, nous avons dû faire face au fait que cela n’arriverait pas de sitôt. Voilà maintenant six mois que nous avons relégué ce projet à l’arrière plan, et nous n’avons toujours pas accès à cette technologie.

Apprentissage

Avec la collaboration de notre principale source de financement du projet, la fondation Lemelson, nous avons donc décidé de documenter les leçons que nous avons tirées de cette expérience dans un essai. J’ai vraiment été heureux que Lemelson accepte, malgré les risques, de miser sur un tel projet et qu’il accepte ensuite que nous rendions public notre bilan.

Il est tentant de trouver une raison unique pour laquelle ce projet n’a pas fonctionné, mais ce n’est pas aussi simple. Je vous invite à lire notre essai pour en savoir plus.

Microcrédit en Afrique du Sud

Échec

Spécialiste indépendant en microcrédit, je me déplace sur le terrain, là où me le demande une organisation, pour entraîner des membres des communautés locales à gérer des programmes. Il y a quelques années, un conseil de comté britannique s’est jumelé à Cap Oriental pour lancer, dans une communauté désignée, un programme dont le financement provenait du projet de bonnes pratiques du gouvernement local du Commonwealth, et qui s’intégrant à un important projet de renforcement des capacités. La femme qui dirigerait le projet était exceptionnelle; son évaluation externe était extraordinaire, et ce sont 500 femmes qui se sont jointes au projet. Pendant un certain temps, tout s’est bien passé; puis, la municipalité a changé de directeur, et des questions de jalousie politique sont entrées dans l’équation. L’employé se voyait dorénavant interdire d’aller dans les villages, ce qui l’empêchait de percevoir l’argent.

L’un des problèmes majeurs de ce projet était la grande distance qui séparait les villages avec lesquels nous travaillions; la municipalité avait bien promis de fournir un moyen de transport (certains endroits ne sont pas desservis par un service de transport public), mais, même au début, ce service n’était pas fiable. Voyager en autostop était parfois acceptable, mais pas lorsqu’il s’agissait de franchir de grandes distances, puisque cela n’offrait aucune certitude d’être à l’heure. Nous ne pouvions pas nous permettre de ne pas être fiables tout en demandant à nos clients d’être disciplinés.

Apprentissage

Nous avons mis un terme au programme. Nous l’avons enlevé à cette municipalité, et il relève maintenant d’une OGN. L’employé se passionne pour ce programme et garde des liens avec plusieurs des femmes. Toutefois, il nous est difficile de reprendre des activités de souscription parce que nous sommes perçus comme ayant échoué. Quant à moi, je n’ai jamais voulu travailler avec les autorités locales!

Je pensais faire une bonne action

Échec

Il y a quelques années, j’ai trouvé dans un village rural en Inde une herboriste Ayurveda. J’étais à la recherche d’un traitement aux herbes pour le fils d’un de mes patients souffrant de constipation depuis 5 ans.

Cette praticienne Ayurveda m’a conseillé de faire boire au garçon une tasse de lait chaud avec une cuillère de ghee avant d’aller se coucher le soir. Ça a fait des miracles. J’ai commencé à suggérer à des mères américaines et européennes de lui envoyer un courriel pour qu’elle les aide à soigner leurs enfants. Elles l’ont fait et étaient très contentes des conseils reçus.

J’ai donc par la suite suggéré à l’herboriste de démarrer un cabinet en ligne pour qu’elle puisse être rémunérée pour ses conseils. Je suis moi-même un herboriste chinois m’étant spécialisé dans l’aide à la fécondation, et mes clients vivant aux quatre coins de la planète me contactent en ligne. Je gagnais ma vie correctement grâce à cela, et je savais qu’elle aussi pourrait y arriver. Elle avait besoin d’argent et était ravie par ma suggestion.

J’ai utilisé tout mon savoir sur comment démarrer un bon cabinet en ligne. Je lui ai monté un site Web et j’en ai fait la promotion. Je lui ai indiqué ce qu’elle devait écrire dans ses courriels avec les mères de famille avec qui elle allait communiquer. Je lui ai dit combien et comment elle pouvait demander à être payée. J’étais très exalté et fier de l’aider à augmenter ses revenus. Je suis alors revenu en Inde pour lui apprendre tout ce qu’elle avait besoin de savoir pour maintenir le site et le cabinet en ligne.

À mon arrivée, j’ai découvert à quel point tout cela était un échec. La praticienne adorait le site Internet, mais elle avait l’impression d’escroquer les gens et ne voulait donc pas l’utiliser. Elle trouvait le site trop « américain ». Elle trouvait que le site lui donnait plus d’importance que ce qu’elle était vraiment. Elle n’avait pas la confiance de l’utiliser, bien qu’elle ait elle-même écrit tout le contenu. Elle ne se sentait également pas confortable de demander des frais « occidentaux » malgré le texte que je lui avais rédigé pour demander cet argent et qui fonctionnait assez bien. Elle se sentait plus à l’aise de continuer à promouvoir son travail dans les méandres du Web sans vrai potentiel de recevoir l’argent dont elle avait besoin.

Apprentissage

L’échec venait du fait que je n’avais pas pris SA personnalité en compte, ni ses particularités culturelles. J’avais adopté ma parfaite attitude américaine « faisons de l’argent à partir de cette initiative » sans jamais penser à sa réalité.

Échec d’Ed : Leçons sur la construction d’une garderie

Échec

Eh oui, à peine ai-je publié un article sur l’échec et la façon dont nous l’assumons et en tirons nos leçons (en anglais) que je tombe sur un échec important dont je suis l’auteur, et dont je peux apprendre. Quelle ironie.

Comme le savent plusieurs d’entre vous, je travaille au Ghana depuis 1997. J’y ai passé une vingtaine de mois; ma dernière visite sur le terrain date d’un certain temps (chose à laquelle je devrai remédier) et, en fait, mon dernier voyage de recherche significatif remonte à l’été 2006. Ces travaux et les recherches sur le terrain qui l’ont précédé ont été à un tel point riches en révélations que je suis encore en train de les analyser. Dans le cadre de cette analyse, je suis d’ailleurs tombé sur un livre qui explique pourquoi le développement ne répond pas comme nous nous y attendons et fait une réflexion approfondie (plutôt théorique) sur le cadre de subsistance que plusieurs, dans le secteur du développement, utilisent pour évaluer comment les gens gagnent leur vie.

Une de mes importantes découvertes (du moins, selon certains de mes collègues possédant plus d’ancienneté que moi) est que l’inéquation et l’injustice (dépendant de la façon dont on les regarde) ne sont pas des produits fortuits d’une « information erronée » ou d’une « fausse connaissance » des stratégies de subsistance; elles font partie d’un tout, du moyen que trouvent les gens pour gagner leur vie. (Pour lire l’article à ce propos, cliquez ici; pour en savoir plus sur les travaux connexes, cliquez ici et ici. Vous pouvez également lire une longue réflexion sur ce sujet dans l’ouvrage Delivering Development.) L’une des contraintes qui font partie des réalités concernant les moyens de subsistance des villages où j’ai travaillé est ce besoin d’atteindre un équilibre entre les besoins matériels d’une maisonnée et la nécessité sociale que l’homme gagne plus d’argent que sa conjointe. Je possède d’abondantes données empiriques démontrant la véracité de cet énoncé et comment cela se répercute dans l’agriculture (un domaine qui représente généralement environ 65 % des revenus d’une maisonnée).

Autrement dit, je sais très bien que les hommes sont sensibles lorsqu’il s’agit de donner une occasion aux femmes d’être plus productives, puisque cela remet en question l’un des deux préceptes qui régissent leurs moyens de subsistance. Certes, c’est quelque chose que j’ai compris pour la première fois autour de 2007, mais je n’ai pu revenir systématiquement sur cet aspect que très récemment (c’est à dire dans le contexte de mes articles sous révision); néanmoins, c’est quelque chose que je savais.

Pourtant, cela m’a complètement échappé quand j’essayais de mettre en place un projet d’amélioration dans ce village où je travaillais. Eh oui; moi même, je n’ai pas intégré mes propres leçons à mon projet.

Que s’est il produit? Après mes études sur le terrain, en 2006, je disposais de fonds pour mettre en œuvre un projet d’amélioration dans un village; je souhaitais que les résidents de Dominase et de Ponkrum décident eux mêmes du projet et, dans la mesure du possible, qu’ils en fassent la conception. Nous avons eu plusieurs réunions avec la communauté pendant lesquelles nous nous écartions du sujet (comme cela arrive parfois) et au cours desquelles les opinions exprimées provenaient surtout des hommes. Cependant, à la fin d’une de ces réunions, l’un de mes exceptionnels collègues ghanéens de l’University of Cape Coast (UCC) a eu l’idée de s’éloigner subtilement de notre groupe et aller se joindre à un groupe de femmes pour discuter avec elles. Je l’avais vu faire, mais je n’ai rien dit. Au bout de quelques minutes, il est revenu et, en passant, m’a dit : « Il faut que nous construisions une garderie. » Kofi avait réussi à justifier le besoin pour les femmes d’avoir une garderie, un plan beaucoup plus pratique et réalisable que tout autre plan qui nous avait été suggéré. Au cours de la réunion suivante avec la communauté, nous avons proposé ce projet et personne ne s’y est opposé; nous avons donc discuté des détails du projet. Quand je suis parti, à la fin de la campagne d’exploration, j’étais persuadé que nous pouvions construire cette garderie et lui trouver du personnel.

Apprentissage

Cinq ans plus tard, il n’y avait aucun développement dans ce projet. On avait moulé les blocs de terre, mais personne n’avait libéré l’espace où il était prévu que soit construite la garderie. L’argent n’a jamais été en cause; mes collègues de UCC se sont régulièrement informés. Chaque fois, ils repartaient avec des promesses que quelque chose se mettrait en branle, mais ça ne s’est jamais produit. Je ne blâme pas l’équipe de UCC; c’était à la communauté de mobiliser de la main d’œuvre pour participer au projet, et à prendre la responsabilité de l’entretien à long terme de la structure. C’est donc la communauté qui était en cause; elle ne l’a tout simplement jamais bâtie.

Toutefois, ce n’est qu’hier, en discutant de tout cela avec un collègue, que l’évidence s’est subitement imposée à mon esprit : avec une garderie en place, les restrictions limitant la productivité et les revenus des femmes diminueraient. La garderie permettrait donc aux femmes d’augmenter leurs revenus; par contre, elle n’offrirait aucun avantage pour les hommes, puisqu’elle n’aurait pas sur leurs revenus les mêmes répercussions. Je possède des données solides pour démontrer que les hommes feront en sorte de contrôler toute augmentation dans le revenu de leur conjointe susceptible de menacer l’ordre social de la maisonnée, même si cela doit entraîner une baisse du revenu de la maisonnée et une réduction de son pouvoir d’achat en nourriture.

Pourquoi, oh, pourquoi donc ai je un instant pensé que des hommes permettraient que cette garderie soit construite? Bien sûr qu’ils ne le permettraient pas.

Je peux invoquer des prétextes pour ne pas avoir pensé à ça entre 2006 et 2008 puisqu’à l’époque, j’étais encore en train d’étudier leurs moyens de subsistance. Depuis trois ans, toutefois, je connais ce comportement fondamental dans leurs règles de subsistance, et je suis au fait de toute l’importance que revêt cet aspect de leur subsistance, même dans des situations de changement comme lors de travaux routiers. Mais toutes ces années pendant lesquelles j’examinais comment d’autres interprétaient à tort les moyens de subsister et mettaient sur pied des concepts d’intervention inadéquats, j’étais moi même en train de faire exactement la même chose.

Médecin, guéris toi toi même.