Transition entre deux directeurs dans le secteur de l’eau au Malawi

Échec

Entre 2008 et 2009, l’équipe ISF pour l’approvisionnement et le traitement de l’eau au Malawi s’est soumise à un long et tortueux processus stratégique de raffinement. Notre organisation se jumelait auparavant avec presque n’importe quelle organisation du secteur acceptant de travailler avec elle, et menait des projets de grande envergure, mais aux objectifs imprécis; maintenant qu’une stratégie différente a été adoptée, elle se jumelle avec moins d’intervenants, et ses objectifs sont précis. À la fin de 2009, une transition de la direction est survenue dans notre équipe : le chef directeur du programme terminait son mandat avec ISF et laissait sa place à d’autres personnes du bassin de candidats potentiels de l’organisation. Ce processus de transition coïncidait avec une période intense d’ambiguïté; l’équipe s’appliquait à raffiner une stratégie initialement instinctive pour la rendre contrôlable et plusieurs avenues étaient envisagées, ce qui fait que toutes les conversations des membres de l’équipe étaient complexes et empreintes d’incertitude.

Ce que nous avons fait, ce qui n’a pas fonctionné

À cette étape du changement, notre équipe a été simultanément confrontée à deux défis : la tâche ambigüe de devoir définir un changement de stratégie, et celle de gérer la transition entre les directeurs, tâche pour laquelle nous ne disposions d’aucune méthode précise. Nous faisions face à un problème cyclique, c’est à dire que nous devions nous investir dans la transition entre des directeurs, mais, étant donné le flou de notre processus pour définir une stratégie, nous ne nous sentions jamais à l’aise pour nous investir dans ce processus. Comment peut on s’occuper de l’intégration de quelqu’un dans un poste où il dirigera une stratégie dont les bases ne sont pas encore établies? Le processus d’intégration ne pouvait qu’être aussi ambigu que l’était la stratégie, et les dirigeants qui s’engageaient dans ce processus ne savaient pas ce à quoi on s’attendait d’eux.

Les agents de développement occidentaux qui s’engagent dans des rôles de direction à des endroits comme Malawi doivent désapprendre beaucoup des réflexes de dirigeants qu’ils ont acquis. Par exemple, il est important pour les dirigeants d’équipes de résister à la tentation de constamment « vendre » notre travail aux intervenants de tous les secteurs, car cela est perçu comme inapproprié tant qu’ils n’ont pas tissé les relations nécessaires dans le secteur de l’eau du Malawi. Ce genre de comportement peut difficilement faire partie d’une description d’emploi ou d’une rencontre en orientation, et devra plutôt s’acquérir par l’expérience et avec le concours d’autres personnes possédant une expérience accrue. La capacité de diriger dans un contexte semblable se détermine tant par qui on est que par ce que l’on fait; cependant, le type de rétroaction nécessaire avant que les nouveaux dirigeants puissent commencer à évoluer dans de tels domaines requiert une longue période de mentorat. Nous ne nous y sommes pas pris assez tôt pour investir dans l’élaboration d’un processus de succession des dirigeants. L’absence, au départ, d’un processus clairement énoncé pour une transition entre deux directeurs indique un manque d’investissement dans les aptitudes, les relations existantes et la promotion de l’esprit d’équipe nécessaires avant que de nouveaux dirigeants prennent la relève. Le fait d’avoir tardé à reconnaître le sérieux nécessaire au sein d’une organisation axée sur des changements très complexes a entraîné une augmentation de notre charge de travail, et nous avons échoué à saisir pleinement les occasions qui nous ont été présentées.

Ce que cet échec nous a coûté

Cet échec n’a causé aucun dommage comme tel, mais il a fait manquer à notre équipe certaines occasions et nous a empêchés de profiter de conjonctures avantageuses. Depuis, nous avons négligé un certain nombre de relations dans le secteur et nous devons les soigner, faute d’avoir saisi les conjonctures favorables présentes à la fin de 2009. C’est dans cet esprit, par exemple, que nous nous sommes fixé un objectif de changer en s’engageant dans une relation de forte collaboration avec l’un des ministères nationaux, un objectif difficile à atteindre et qui implique de lui fournir le soutien de l’un de nos membres.

De plus, nous nous sommes fixé des défis internes qui ont entraîné l’alourdissement de la gestion et du processus de prise de décision. L’instabilité du processus de transition entre deux directeurs a été une source de distraction pour notre équipe, et détournait de l’énergie précieuse pour notre processus complexe de définition ce qui ferait de notre stratégie un succès. Ironiquement, c’est l’objectif principal que nous voulions atteindre, clarifier notre stratégie, qui nous empêchait de le faire. Le mandat et la stratégie de notre programme « Assainissement total piloté par la communauté » ont souffert de cette diversion, et c’est pourquoi nous avons échoué à faire progresser notre situation dans cette partie du secteur davantage qu’elle ne l’avait fait à la fin de 2009.

Apprentissage

Et après?

Nos équipes de PPA devraient reconnaître qu’il n’est pas aisé de décrire, dans une description de poste, comment diriger dans un environnement changeant complexe tel que le nôtre, et que cela n’est pas non plus simple à apprendre; elles doivent reconnaître que si elles échouent à mettre sur pied des processus de remplacement des effectifs pour diriger l’équipe, il en découlera des difficultés inutiles et le remplacement aura un impact réduit sur l’équipe. Un investissement volontaire dans les processus est nécessaire pour permettre au bassin de candidats d’assumer un rôle complexe au moment de la transition. Cet investissement devrait viser les objectifs stratégiques suivants : clarifier rapidement les définitions et les attentes d’un poste, préserver les relations externes importantes et s’investir sérieusement dans les habiletés nécessaires au succès d’un nouveau dirigeant; ces aspects ne peuvent généralement pas être expliqués, et doivent plutôt être appris, sur le terrain et avec un encadrement.

Action entreprise par la direction du programme africain ISF en réaction à cette leçon :

La gestion est une composante cruciale d’une organisation de développement. Voilà ce qu’aura appris ISF auprès de ses organisations partenaires. C’est ce qui explique, en bonne partie, ce pour quoi son travail est axé sur l’amélioration de la gestion.

La gestion est aussi le pivot pour ISF.

Au cours de la dernière année, des processus de transition de gestion ont pris place dans quatre de nos cinq équipes, et certains sont toujours en cours.

Le modèle utilisé par ISF pour apporter des changements en Afrique repose sur un concept appliqué par de nombreuses compagnies accomplies comme McKinsey. Tout comme elle, nous embauchons de jeunes personnes très talentueuses. Nous nous attendons à un haut taux de roulement de ces personnes à qui nous voulons continuer de permettre de saisir des occasions pour atteindre une croissance fondamentale sur les plans personnel et professionnel. Tout comme elle, nous embauchons des gestionnaires, des directeurs d’équipe, comme employés permanents afin d’assurer la transmission des connaissances et de continuer à progresser.

Toutefois, il n’est pas facile d’être un employé permanent habitant en Afrique. D’ailleurs, ce n’est pas réaliste de vouloir l’être; il est difficile d’habiter loin de sa famille pour une longue période, peu importe la compensation financière. C’est la raison pour laquelle, au cours des quelques dernières années, nous avons demandé aux directeurs d’équipes un engagement minimum de deux ans.

Cependant, nous songeons à réévaluer cet aspect.

Il est incroyablement difficile de transmettre un changement en cours d’une personne à une autre. La connaissance et l’expérience, souvent tacites, sont généralement perdues malgré les tentatives de les documenter. L’énergie du fondateur, ne pouvant être embouteillée, est aussi parfois perdue, ce qui empêche l’équipe de saisir des conjonctures favorables.

Dans le même ordre d’idées — et il faut l’admettre — certains excellent dans l’art de tirer les grandes lignes d’une idée, d’autres dans celui de les développer, et d’autres encore dans celui de les approfondir et, enfin, d’autres dans celui de les peaufiner. Il arrive donc qu’un changement de gestionnaire entraîne des changements nécessaires dans la stratégie et l’approche utilisées.

Que peut on faire?

Ces expériences nous ont permis de remettre en question la gestion de notre bassin de candidats à la direction. Les directeurs d’équipe entrant et sortant se rencontreront entre le 18 et le 28 janvier afin de discuter de cet aspect et d’autres problèmes de gestion actuels auxquels fait face ISF.

  • La sélection et l’embauche des directeurs d’équipes devraient-elles se faire parmi les candidats du bassin interne?
  • Devrait on demander aux directeurs d’équipes de demeurer en poste pour tout le temps nécessaire à la réalisation de leur programme?
  • À qui la responsabilité pour la transition entre deux directeurs d’équipe incombe t elle? Au directeur d’équipe qui termine son mandat avec l’équipe ou à ceux des directeurs de programmes africains et des autres directeurs d’équipe maintenus en poste qui vivront les effets de la transition?

Failure

Between 2008 and 2009, the EWB Malawi Water and Sanitation team went through a lengthy and winding strategic narrowing process. This process brought our organization from working with high breadth across the sector and little focus, partnering with nearly any organization in the sector who would work with us, to a focused change strategy with defined goals and fewer stakeholders. In late 2009, our team faced a leadership transition – the leader and manager of the program was finishing with EWB leaving space for other potential leaders in the organization’s pipeline to step up. The process of transition was happening at a time of massive ambiguity – we were aiming to narrow our strategy into something containable from something unwieldy while trying to consider many different perspectives, which meant all of our team’s conversations were characterized by uncertainly and complexity.

What we did and what went wrong

At this point of change, our team faced two challenges at once: defining a complex change strategy, which was ambiguous, and managing a leadership transition, for which we had no defined process. Our team faced a cyclic problem – we needed to invest in leadership transition, but because our strategy definition process was so ambiguous, we never felt comfortable investing in that process. How do you set up someone to transition into a job managing a strategy that you haven’t defined yet? As a result, the transition process was forced to be as ambiguous as the strategy, meaning that leaders stepping into the process were unclear of what was expected of them.

Western development workers who step into leadership roles in a place like Malawi must “unlearn” many leadership instincts they have. For example, it is important for team leaders to resist the temptation to “sell” our work to all sector stakeholders all the time as this is not seen as appropriate until you’ve built the right relationship in the Malawian water sector. Insights such as there are very difficult to characterize in a job description or in an orientation meeting. Rather, they have to be experientially learned and often “coached out” by others with more experience. The ability to lead in such an environment is as much about who you are being as it is about what you are doing, and the type of feedback one needs to receive to grow in such areas requires a long arc of mentoring of new leaders before they being playing the role.

We did not invest as a system of people in leadership succession early enough. The absence of an explicit and early leadership transition process meant that we did not adequately invest in the up-front skills, relationships, and team dynamics building that needed to take place before transitioning new leaders into the role. By waiting too long to recognize the gravity what was needed with an organization focused on highly complex change, we created more work for ourselves and failed to take full advantage of the opportunities our team already had.

What this failure cost us

This failure did not cause damage as such, but led to a number of missed opportunities and a greater momentum loss than was necessary for our team. To this day, there are relationships in the sector that have laid fallow for the past year that our team has yet to revive due to the momentum that was lost at the end of 2009. For example, one of our team’s very difficult to achieve change goals is to enter a highly collaborative relationship with one of the National Ministries involving the secondment of one of our staff at that level.

In addition, internal challenges were caused that led to increase management complexity and slower decision making. The rocky leadership transition process was distracting for our team, which diverted much needed energy away from our very complex process of defining success for our strategy. Ironically, this undermined our team’s goal of increasing strategic clarity, which was the main outcome we wanted from our strategic definition process. The mandate and strategy for our CLTS program suffered as a result of that distraction, and as such we have failed to advance our positioning in that part of the sector much further than it was at the end of 2009.

Learning

So what?

Our African Programs teams should recognize that leading in a change environment as complex as ours is not something that can be easily explained via a job description or learned swiftly, and failure to create processes to replace team leadership capacity leads to unnecessary pain for the team and reduced impact. Intentional investment in processes is required that allow for people in the pipeline to be able to play the complex role at the time of transition. The key outcomes of this investment should be early clarity on role definition and expectations in a transition process, preservation of key external relationships, and strong investment in the abilities that new leaders must have to succeed, which usually cannot be explained – they must be experienced and “coached out.”

Follow up action – this is the follow up action from EWB African Program management in response to this lesson:

Management is a crucial component of a development organisation. This is a learning EWB has had with our partner organisations. This is why a lot of our work focuses on improving management.

Management as a lynchpin is no different with EWB.

In the past year we’ve undergone (or are undergoing) management transitions in four of our five teams.

EWB’s model for creating change in Africa is based around the concept that many high functioning companies such as McKinsey follow. We both hire young, highly talented people. We expect a high turn-over of these people to allow them to continue seeking out opportunities that will bring about substantial personal and professional growth. To retain knowledge and continue making progress we both hire management (team leaders) as permanent staff.

However, being a permanent staff while living in Africa is not easy. In fact, it’s not realistic. It’s difficult to live away from family for an extended amount of time, no matter the financial compensation. So for the past couple years we’ve asked for a 2 year minimum commitment as a team leader.

However, we’re starting to re-think this.

It’s incredibly difficult to pass off a half-finished change from one person to another. The knowledge and experience which is often tacit is lost despite attempts to document it. The founder’s energy, which can’t be bottled, is also lost sometimes causing the team to loose momentum.

At the same time, some people are great a bringing an idea from zero to twenty percent, others thirty to seventy percent, etc. And sometimes a change in leadership can catalyze needed changes in strategy and direction.

So what can be done?

These experiences have caused us to re-think our management pipeline. The current incoming and outgoing team leaders will gather January 18–28th to discuss this and other management issues facing EWB.

  • Should team leaders only be hired internally (from within the team)?
  • Should team leaders be expected to stay on for the life-time of their program?
  • Whose responsibility is the team leadership transition? The outgoing team leader who ‘owns’ the team or the Directors of African Programs and other team leaders who will be around to experience the effects of the transition?