Échec
Voici une histoire qui s’intéresse à l’identification de ses échecs et l’apprentissage par l’erreur. Dans le domaine du développement, il est parfois difficile de savoir ce qui est un échec et ce qui ne l’est pas. De nombreuses initiatives de développement ne mènent pas à des résultats facilement qualifiables d’échecs ou de succès. Si l’on fore un puits et qu’on n’y trouve pas d’eau, ce sera un échec, mais on ne forera plus à cet endroit. Si, par contre, on pense pouvoir garder les jeunes à l’école et à l’abri du VIH grâce aux sports, il ne sera pas facile d’identifier ses erreurs et d’éviter de les répéter continuellement.
Au cours d’une période de quelques mois, en 2009, GlobalGiving a eu recours à la rétroaction directe de la communauté pour découvrir une organisation qui échouait. L’organisation SACRENA, basée à Kisumu, au Kenya, travaillait avec des jeunes désavantagés et se dévouait tout particulièrement à les tenir à l’écart de problèmes par le biais de sa ligue de soccer. L’organisation avait reçu, en plus du soutien d’autres donateurs, 8 019 USD provenant de 193 donateurs du programme GlobalGiving.
Au début de 2009, GlobalGiving a visité Kisumu et distribué des autocollants à pare chocs avec l’énoncé suivant : De quoi votre communauté a t elle besoin? Dites nous le : globalgiving.org/ideas. Nous avons mené une série de sondages et tenu des ateliers dans les communautés; nous avons rendu visite au personnel et aux bénévoles, le tout afin d’être activement à l’écoute de ce qui se disait dans la communauté sur les organisations prenant part au cybermarché de GlobalGiving. Selon certains membres de la communauté, SACRENA avait des problèmes. Nous avons poursuivi notre démarche par le biais de volontaires qui ont fait d’autres visites ciblées, puis par une vérification officielle. Le tableau était clair; cette organisation, qui dirigeait prétendument un programme de soccer, gérait mal ses affaires internes; elle aliénait ses propres bénéficiaires, qui en percevaient la direction comme étant inefficace et corrompue. Sur l’un des formulaires de rétroaction de GlobalGiving, soumis en ligne, l’on pouvait lire :
« Anciennement, j’étais un joueur de l’équipe et un membre officiel; nous avons été traités avec grand respect et nous avons pu voyager dans les pays voisins pour participer à des tournois. Puis, subitement, les choses ont changé; le coordonnateur a reçu 1 000 000 KES pour faire la promotion de notre équipe, mais il a réussi à biologiquement engloutir cet argent à lui seul, et a même vendu toutes les balles qui avaient été données. »
Comme les preuves d’un échec continuaient de s’accumuler, nous avons demandé aux personnes qui avaient exprimé leur insatisfaction envers SACRENA si cette organisation devait être enlevée de sur le site Web de GlobalGiving, ce qui aurait privé SACRENA d’une importante source de revenus. Au début, ces personnes ne recommandaient pas que le programme soit éliminé du site, car elles l’estimaient valable, même si la direction était inefficace. Elles ont plutôt demandé à GlobalGiving de superviser davantage cette organisation. GlobalGiving a donc mis SACRENA en contact avec deux volontaires du programme de résolution de conflits de l’université de l’Oregon, et ces volontaires ont travaillé pour désamorcer les tensions entre la direction de SACRENA et ses bénéficiaires. Au fil du temps, ces volontaires ont réussi à aider deux membres de la communauté à lancer une autre organisation pour prendre la place de SACRENA.
Une fois cette organisation en place, les demandes pour que soit retiré SACRENA du site Web de GlobalGiving ont afflué. Ainsi, en rendant ce processus de rétroaction transparent et ouvert à tous, nous avons pu identifier une organisation en situation d’échec, la retirer de notre marché et envoyer un signal à la communauté, inspirant ainsi la naissance d’un nouveau programme. Reste à voir si cette nouvelle organisation apprendra de l’échec du précédent, toutefois la possibilité existe que cet échec l’aide à éviter de reproduire les mêmes erreurs.
Apprentissage
Quelle leçon en avons nous tirée à GlobalGiving? Celle que les organisations, même si elles démontrent qu’elles mettent en œuvre un programme, ne sont pas nécessairement en train de bien servir leurs bénéficiaires. Nos intuitions selon lesquelles les membres de la communauté peuvent narrer l’histoire telle qu’elle est se sont confirmées, et nous ne devons pas trop nous fier aux rapports faits par les bénéficiaires d’une subvention eux mêmes. Nous avons appris que l’échec peut générer de nouvelles initiatives. Quant à la communauté, elle a appris qu’elle n’avait pas à accepter une organisation en situation d’échec uniquement sous prétexte qu’elle était financée.