Échec ou réussite de l’industrie du coton

Échec

Selon la plupart des témoignages, l’industrie du coton en Zambie se portait à merveille au moment où le projet PROFIT a été lancé. Financé par l’Agence américaine pour le développement international, ce projet avait pour objectif d’augmenter la compétitivité de la Zambie dans le secteur agricole et, par le fait même, de réduire la pauvreté. Dès les balbutiements du projet, le potentiel de l’industrie du coton avait été évalué par le biais de nombreuses analyses de l’économie et d’analyses faites par des donateurs, et il en était ressorti qu’il serait profitable de continuer à miser sur le succès de cette culture, qui représentait un fort potentiel d’exploitation.

Par contre, lorsque les gestionnaires du projet ont mené leur propre analyse pour valider les résultats de précédentes études sommaires, le tableau qu’ils ont obtenu différait du tout au tout. En effet, celui ci montrait que volume des récoltes était figé, que les transformateurs se faisaient une compétition intense en cherchant qu’à ce qu’il n’y ait qu’un seul gagnant, et que le manque de confiance entre tous les joueurs de la chaîne des valeurs était devenu important. Par ailleurs, l’analyse révélait que très peu de profits étaient versés aux fermiers et aux entreprises impliquées; également, on observait une concentration malsaine du risque au niveau du processus de transformation. Quant à la quantité de coton cultivée, elle dépendait étroitement de la production globale et du nombre de fermiers impliqués par le biais du transformateur. De plus, l’on notait chez les fermiers la perception que la terre et le coton ne leur appartenaient pas, qu’on leur donnait des graines pour qu’ils travaillent un peu sur la terre — les récoltes étaient donc limitées — et qu’ils redonnent ensuite à la compagnie le coton récolté en échange d’une très modique somme d’argent. Ils ne vendaient que leur main d’œuvre, car ils n’avaient pas d’autre option.

Les gestionnaires du projet, lorsqu’ils furent confrontés à cette conclusion en complète contradiction avec les perspectives optimistes de l’industrie voulant que tout aille à merveille, ont décidé de rencontrer les divers transformateurs pour les aider à restructurer leur approche économique pour permettre précisément l’augmentation des récoltes des fermiers et leur rentabilité globale. On s’en doute bien, les efforts mis de l’avant par le projet pour que l’industrie s’implique ont échoué sur tous les plans, à l’exception de certaines mesures pour donner aux fermiers une formation qui consistait, grosso modo, à leur montrer des méthodes qu’on leur avait déjà montrées, mais qu’ils n’avaient pas adoptées.

À partir de 2006, les conditions qui, malgré un facteur important d’inefficacité, avaient jusque alors permis de faire progresser l’industrie du coton à la Zambie se sont détériorées. L’on notait, entre autres, une tendance à la baisse des prix du coton, un accroissement du nombre d’occasions offertes aux fermiers de vendre leur main d’œuvre et l’augmentation rapide de valeur de la devise interne; enfin, le niveau de risque que comportait la transformation ne laissait que peu de marge pour l’erreur. Avant longtemps, les transformateurs de coton qui avaient cessé de s’impliquer dans le projet sont revenus pour demander à s’impliquer de nouveau.

Par la suite, les organisateurs du projet ont travaillé avec une gamme d’entreprises de transformation pour les amener à convertir leur méthode de gestion des approvisionnements agricoles, le but étant de réduire les risques agissant sur l’offre en priorisant l’approvisionnement des fermiers productifs. S’il est vrai que le projet a remporté un certain succès en ce qui concerne l’amélioration de la gestion d’approvisionnement des entreprises et la qualité des échanges entre les fermiers et les transformateurs, le projet en tant que tel a échoué dans son objectif d’épargner à l’industrie du coton de vivre une période difficile. Par ailleurs, dans ses moments prolifiques, ce domaine comptait plus de six entreprises actives, mais seules quelques une subsistent encore. Celles là, toutefois, ont bien saisi l’importance de deux choses : l’apprentissage par l’échec, et la nécessité de miser sur des principes clés comme la productivité et la mise en place de méthodes où tous sont gagnants. Ainsi, lorsqu’un échec survient, ces entreprises peuvent apprendre rapidement et s’ajuster efficacement.

Apprentissage

Conséquemment, même si ce projet était un échec dans la mesure où ses interventions n’ont pas empêché le ralentissement de l’industrie du coton, et même si l’industrie du coton n’a pas repris sa vigueur par la suite, cette expérience semble avoir consolidé un fondement systémique. L’efficacité des relations où tous sont gagnants, dans le système de chaîne de valeur restant, a permis de mettre sur pied de nouveaux services permettant de faire évoluer les régions rurales telles, par exemple, l’arrosage et la préparation des terres. Les récoltes ont augmenté et les fermiers qui sont restés voient davantage leur rôle comme étant celui de fermiers, et non plus de main d’œuvre. C’est donc dire que le véritable succès ou le véritable échec du projet dépendra de la stabilité de production du coton; si ce secteur continue à échouer, on apprendra de son échec et on apprendra comment échouer en limitant les dégâts.