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Faut il le voir pour le croire?

Échec

Bon, d’accord, je veux y bien écrire quelque chose, à ce cybercarnet, parce qu’il est intéressant. Je crois en l’apprentissage par ses erreurs, mais j’aimerais vous rappeler que nous ne pouvons pas tous dévoiler les erreurs que nous avons commises!

Au milieu des années 1990, j’étudiais les dynamiques du genre féminin chez les femmes en milieu rural, dans l’ouest du Kenya. De façon générale, les ONG, les donateurs et les tiers se montraient particulièrement préoccupés par les groupes de femmes.

Apprentissage

Quant à moi, j’ai découvert qu’une bonne compréhension du rôle des hommes dans les groupes de femmes était nécessaire. Autant le développement rend les femmes invisibles, autant il a fait disparaître les hommes, même ceux qui étaient actifs au sein de groupes communément appelés « groupes de femmes ». Je vous invite à lire l’histoire de Frances Cleaver dans son livre, Masculinities Matter! (2000), en vente à Zed Books, sinon à communiquer avec moi pour vous en procurer un exemplaire.

Arrêtons de faire les futés

Échec

En 1988, je travaillais à la mise sur pied d’un programme de prévention des risques de catastrophes naturelles dans Rift Valley, en Éthiopie. À cette époque, le gouvernement du Derg, qui était de tendance « marxiste albanaise », était toujours au pouvoir. L’administration locale, qui gérait les associations de femmes, nous avait demandé d’aider en leur achetant un petit moulin à grains pour réduire le processus manuel de mouture et éviter à ces associations de devoir payer aux propriétaires des moulins locaux des montants exorbitants afin de pouvoir moudre leur grain. À l’époque, après un examen des chiffres, j’en étais venu à la conclusion qu’un tel investissement ne serait pas significatif. En effet, il n’épargnait pas vraiment de travail ni d’argent aux femmes, et l’investissement mettrait un certain temps avant de générer un réel bénéfice.

Cependant, lorsque le régime militaire s’est effondré et qu’on a assisté à une vague générale de pillage dans cette région, les femmes se sont relayées pour monter la garde, jour et nuit, formant un cordon humain autour de leur moulin.

Apprentissage

La valeur réelle du moulin n’était pas d’ordre pécuniaire, mais plutôt liée au sens de renforcement de leur autonomie et à l’espoir qu’il leur procurait.

Voici la leçon à en tirer : il faut d’abord laisser tomber ses idées préconçues et tâcher de voir avec les yeux de ceux que l’on souhaite aider. Pour commencer du bon pied, on doit d’abord prendre le temps d’écouter et de comprendre et non se complaire dans son ingéniosité.

Échec ou réussite de l’industrie du coton

Échec

Selon la plupart des témoignages, l’industrie du coton en Zambie se portait à merveille au moment où le projet PROFIT a été lancé. Financé par l’Agence américaine pour le développement international, ce projet avait pour objectif d’augmenter la compétitivité de la Zambie dans le secteur agricole et, par le fait même, de réduire la pauvreté. Dès les balbutiements du projet, le potentiel de l’industrie du coton avait été évalué par le biais de nombreuses analyses de l’économie et d’analyses faites par des donateurs, et il en était ressorti qu’il serait profitable de continuer à miser sur le succès de cette culture, qui représentait un fort potentiel d’exploitation.

Par contre, lorsque les gestionnaires du projet ont mené leur propre analyse pour valider les résultats de précédentes études sommaires, le tableau qu’ils ont obtenu différait du tout au tout. En effet, celui ci montrait que volume des récoltes était figé, que les transformateurs se faisaient une compétition intense en cherchant qu’à ce qu’il n’y ait qu’un seul gagnant, et que le manque de confiance entre tous les joueurs de la chaîne des valeurs était devenu important. Par ailleurs, l’analyse révélait que très peu de profits étaient versés aux fermiers et aux entreprises impliquées; également, on observait une concentration malsaine du risque au niveau du processus de transformation. Quant à la quantité de coton cultivée, elle dépendait étroitement de la production globale et du nombre de fermiers impliqués par le biais du transformateur. De plus, l’on notait chez les fermiers la perception que la terre et le coton ne leur appartenaient pas, qu’on leur donnait des graines pour qu’ils travaillent un peu sur la terre — les récoltes étaient donc limitées — et qu’ils redonnent ensuite à la compagnie le coton récolté en échange d’une très modique somme d’argent. Ils ne vendaient que leur main d’œuvre, car ils n’avaient pas d’autre option.

Les gestionnaires du projet, lorsqu’ils furent confrontés à cette conclusion en complète contradiction avec les perspectives optimistes de l’industrie voulant que tout aille à merveille, ont décidé de rencontrer les divers transformateurs pour les aider à restructurer leur approche économique pour permettre précisément l’augmentation des récoltes des fermiers et leur rentabilité globale. On s’en doute bien, les efforts mis de l’avant par le projet pour que l’industrie s’implique ont échoué sur tous les plans, à l’exception de certaines mesures pour donner aux fermiers une formation qui consistait, grosso modo, à leur montrer des méthodes qu’on leur avait déjà montrées, mais qu’ils n’avaient pas adoptées.

À partir de 2006, les conditions qui, malgré un facteur important d’inefficacité, avaient jusque alors permis de faire progresser l’industrie du coton à la Zambie se sont détériorées. L’on notait, entre autres, une tendance à la baisse des prix du coton, un accroissement du nombre d’occasions offertes aux fermiers de vendre leur main d’œuvre et l’augmentation rapide de valeur de la devise interne; enfin, le niveau de risque que comportait la transformation ne laissait que peu de marge pour l’erreur. Avant longtemps, les transformateurs de coton qui avaient cessé de s’impliquer dans le projet sont revenus pour demander à s’impliquer de nouveau.

Par la suite, les organisateurs du projet ont travaillé avec une gamme d’entreprises de transformation pour les amener à convertir leur méthode de gestion des approvisionnements agricoles, le but étant de réduire les risques agissant sur l’offre en priorisant l’approvisionnement des fermiers productifs. S’il est vrai que le projet a remporté un certain succès en ce qui concerne l’amélioration de la gestion d’approvisionnement des entreprises et la qualité des échanges entre les fermiers et les transformateurs, le projet en tant que tel a échoué dans son objectif d’épargner à l’industrie du coton de vivre une période difficile. Par ailleurs, dans ses moments prolifiques, ce domaine comptait plus de six entreprises actives, mais seules quelques une subsistent encore. Celles là, toutefois, ont bien saisi l’importance de deux choses : l’apprentissage par l’échec, et la nécessité de miser sur des principes clés comme la productivité et la mise en place de méthodes où tous sont gagnants. Ainsi, lorsqu’un échec survient, ces entreprises peuvent apprendre rapidement et s’ajuster efficacement.

Apprentissage

Conséquemment, même si ce projet était un échec dans la mesure où ses interventions n’ont pas empêché le ralentissement de l’industrie du coton, et même si l’industrie du coton n’a pas repris sa vigueur par la suite, cette expérience semble avoir consolidé un fondement systémique. L’efficacité des relations où tous sont gagnants, dans le système de chaîne de valeur restant, a permis de mettre sur pied de nouveaux services permettant de faire évoluer les régions rurales telles, par exemple, l’arrosage et la préparation des terres. Les récoltes ont augmenté et les fermiers qui sont restés voient davantage leur rôle comme étant celui de fermiers, et non plus de main d’œuvre. C’est donc dire que le véritable succès ou le véritable échec du projet dépendra de la stabilité de production du coton; si ce secteur continue à échouer, on apprendra de son échec et on apprendra comment échouer en limitant les dégâts.

Indonésie : Échec en microcrédit

Échec

J’ai démarré mon entreprise en microcrédit en Indonésie au cours du mois de février 2008. Au milieu de l’année suivante, l’entreprise avait à son actif plus de 400 membres, et le taux de remboursement dépassait 90 %. Nous accordions des prêts variant entre 100 $ et 200 $ à des propriétaires de petites entreprises.

Toutefois, notre plan d’expansion rapide s’est retourné contre nous. Mon équipe en Indonésie et moi même ne choisissions pas soigneusement nos clients de petites entreprises. En 2010, je suis allé en Indonésie et je me suis rendu compte que nos clients empruntaient de l’argent sans avoir une planification d’opération adéquate. Peu de temps après qu’elle ait obtenu un petit prêt, leur entreprise se trouvait en difficulté. Certains utilisaient l’argent pour l’achat de biens de consommation.

En 2010, le taux de remboursement a chuté à 50 %. Nous nous démenons maintenant pour faire augmenter le taux de remboursement à un pourcentage viable.

J’ai donc décidé d’augmenter le taux d’intérêt afin que les microprêts ne soient plus une option économique. Il semble que nos clients nous aient pris pour acquis. L’argent de nos microprêts était prêté à des usuriers; notre argent « économique » n’était pas considéré comme une source précieuse. Jamais je n’aurais pensé que mon projet puisse aboutir ainsi.

Leçons tirées d’un projet de détection de mines

Échec

Il n’est pas facile de faire face à l’échec. On a tendance à l’enterrer et à le taire. Dans le secteur des entreprises à but lucratif, souvent, l’échec est évident. On peut savoir si telle entreprise a du succès parce qu’elle doit rendre son chiffre d’affaires public. L’explosion d’une entreprise en technologie sera rapidement identifiée. Le secteur social est reconnu pour son aversion au risque, et ceci motive à ne discuter que des succès (ou encore à parler, comme si c’étaient des succès, des projets à la limite de l’échec ou ayant échoué).

Je suis convaincu que nous devons assumer les échecs. Il est préférable d’avoir totalement échoué à l’occasion que de n’avoir jamais rien essayé. L’étendue et l’importance des problèmes sur la planète exigent qu’on intervienne autrement que par de timides tentatives.

Plus tôt cette année, la direction de notre programme humanitaire de détection de mines et moi même avons décidé de mettre notre projet sur la glace. Ted Driscoll, un entrepreneur notoire dans une série de projets qui s’est maintenant converti au capitaliste, s’était servi d’une technologie de détection d’explosifs financée par l’armée pour essayer de créer un détecteur de mines abordable pour des fins humanitaires. Nous avons fait des études de marché poussées sur les défis que pose le déminage dans le monde, et avions publié un rapport exhaustif sur nos découvertes.

Pendant presque deux ans, nous sommes demeurés convaincus que nous aurions bientôt accès à cette technologie. Puis, au bout du compte, nous avons dû faire face au fait que cela n’arriverait pas de sitôt. Voilà maintenant six mois que nous avons relégué ce projet à l’arrière plan, et nous n’avons toujours pas accès à cette technologie.

Apprentissage

Avec la collaboration de notre principale source de financement du projet, la fondation Lemelson, nous avons donc décidé de documenter les leçons que nous avons tirées de cette expérience dans un essai. J’ai vraiment été heureux que Lemelson accepte, malgré les risques, de miser sur un tel projet et qu’il accepte ensuite que nous rendions public notre bilan.

Il est tentant de trouver une raison unique pour laquelle ce projet n’a pas fonctionné, mais ce n’est pas aussi simple. Je vous invite à lire notre essai pour en savoir plus.

Microcrédit en Afrique du Sud

Échec

Spécialiste indépendant en microcrédit, je me déplace sur le terrain, là où me le demande une organisation, pour entraîner des membres des communautés locales à gérer des programmes. Il y a quelques années, un conseil de comté britannique s’est jumelé à Cap Oriental pour lancer, dans une communauté désignée, un programme dont le financement provenait du projet de bonnes pratiques du gouvernement local du Commonwealth, et qui s’intégrant à un important projet de renforcement des capacités. La femme qui dirigerait le projet était exceptionnelle; son évaluation externe était extraordinaire, et ce sont 500 femmes qui se sont jointes au projet. Pendant un certain temps, tout s’est bien passé; puis, la municipalité a changé de directeur, et des questions de jalousie politique sont entrées dans l’équation. L’employé se voyait dorénavant interdire d’aller dans les villages, ce qui l’empêchait de percevoir l’argent.

L’un des problèmes majeurs de ce projet était la grande distance qui séparait les villages avec lesquels nous travaillions; la municipalité avait bien promis de fournir un moyen de transport (certains endroits ne sont pas desservis par un service de transport public), mais, même au début, ce service n’était pas fiable. Voyager en autostop était parfois acceptable, mais pas lorsqu’il s’agissait de franchir de grandes distances, puisque cela n’offrait aucune certitude d’être à l’heure. Nous ne pouvions pas nous permettre de ne pas être fiables tout en demandant à nos clients d’être disciplinés.

Apprentissage

Nous avons mis un terme au programme. Nous l’avons enlevé à cette municipalité, et il relève maintenant d’une OGN. L’employé se passionne pour ce programme et garde des liens avec plusieurs des femmes. Toutefois, il nous est difficile de reprendre des activités de souscription parce que nous sommes perçus comme ayant échoué. Quant à moi, je n’ai jamais voulu travailler avec les autorités locales!

Je pensais faire une bonne action

Échec

Il y a quelques années, j’ai trouvé dans un village rural en Inde une herboriste Ayurveda. J’étais à la recherche d’un traitement aux herbes pour le fils d’un de mes patients souffrant de constipation depuis 5 ans.

Cette praticienne Ayurveda m’a conseillé de faire boire au garçon une tasse de lait chaud avec une cuillère de ghee avant d’aller se coucher le soir. Ça a fait des miracles. J’ai commencé à suggérer à des mères américaines et européennes de lui envoyer un courriel pour qu’elle les aide à soigner leurs enfants. Elles l’ont fait et étaient très contentes des conseils reçus.

J’ai donc par la suite suggéré à l’herboriste de démarrer un cabinet en ligne pour qu’elle puisse être rémunérée pour ses conseils. Je suis moi-même un herboriste chinois m’étant spécialisé dans l’aide à la fécondation, et mes clients vivant aux quatre coins de la planète me contactent en ligne. Je gagnais ma vie correctement grâce à cela, et je savais qu’elle aussi pourrait y arriver. Elle avait besoin d’argent et était ravie par ma suggestion.

J’ai utilisé tout mon savoir sur comment démarrer un bon cabinet en ligne. Je lui ai monté un site Web et j’en ai fait la promotion. Je lui ai indiqué ce qu’elle devait écrire dans ses courriels avec les mères de famille avec qui elle allait communiquer. Je lui ai dit combien et comment elle pouvait demander à être payée. J’étais très exalté et fier de l’aider à augmenter ses revenus. Je suis alors revenu en Inde pour lui apprendre tout ce qu’elle avait besoin de savoir pour maintenir le site et le cabinet en ligne.

À mon arrivée, j’ai découvert à quel point tout cela était un échec. La praticienne adorait le site Internet, mais elle avait l’impression d’escroquer les gens et ne voulait donc pas l’utiliser. Elle trouvait le site trop « américain ». Elle trouvait que le site lui donnait plus d’importance que ce qu’elle était vraiment. Elle n’avait pas la confiance de l’utiliser, bien qu’elle ait elle-même écrit tout le contenu. Elle ne se sentait également pas confortable de demander des frais « occidentaux » malgré le texte que je lui avais rédigé pour demander cet argent et qui fonctionnait assez bien. Elle se sentait plus à l’aise de continuer à promouvoir son travail dans les méandres du Web sans vrai potentiel de recevoir l’argent dont elle avait besoin.

Apprentissage

L’échec venait du fait que je n’avais pas pris SA personnalité en compte, ni ses particularités culturelles. J’avais adopté ma parfaite attitude américaine « faisons de l’argent à partir de cette initiative » sans jamais penser à sa réalité.

Échec d’Ed : Leçons sur la construction d’une garderie

Échec

Eh oui, à peine ai-je publié un article sur l’échec et la façon dont nous l’assumons et en tirons nos leçons (en anglais) que je tombe sur un échec important dont je suis l’auteur, et dont je peux apprendre. Quelle ironie.

Comme le savent plusieurs d’entre vous, je travaille au Ghana depuis 1997. J’y ai passé une vingtaine de mois; ma dernière visite sur le terrain date d’un certain temps (chose à laquelle je devrai remédier) et, en fait, mon dernier voyage de recherche significatif remonte à l’été 2006. Ces travaux et les recherches sur le terrain qui l’ont précédé ont été à un tel point riches en révélations que je suis encore en train de les analyser. Dans le cadre de cette analyse, je suis d’ailleurs tombé sur un livre qui explique pourquoi le développement ne répond pas comme nous nous y attendons et fait une réflexion approfondie (plutôt théorique) sur le cadre de subsistance que plusieurs, dans le secteur du développement, utilisent pour évaluer comment les gens gagnent leur vie.

Une de mes importantes découvertes (du moins, selon certains de mes collègues possédant plus d’ancienneté que moi) est que l’inéquation et l’injustice (dépendant de la façon dont on les regarde) ne sont pas des produits fortuits d’une « information erronée » ou d’une « fausse connaissance » des stratégies de subsistance; elles font partie d’un tout, du moyen que trouvent les gens pour gagner leur vie. (Pour lire l’article à ce propos, cliquez ici; pour en savoir plus sur les travaux connexes, cliquez ici et ici. Vous pouvez également lire une longue réflexion sur ce sujet dans l’ouvrage Delivering Development.) L’une des contraintes qui font partie des réalités concernant les moyens de subsistance des villages où j’ai travaillé est ce besoin d’atteindre un équilibre entre les besoins matériels d’une maisonnée et la nécessité sociale que l’homme gagne plus d’argent que sa conjointe. Je possède d’abondantes données empiriques démontrant la véracité de cet énoncé et comment cela se répercute dans l’agriculture (un domaine qui représente généralement environ 65 % des revenus d’une maisonnée).

Autrement dit, je sais très bien que les hommes sont sensibles lorsqu’il s’agit de donner une occasion aux femmes d’être plus productives, puisque cela remet en question l’un des deux préceptes qui régissent leurs moyens de subsistance. Certes, c’est quelque chose que j’ai compris pour la première fois autour de 2007, mais je n’ai pu revenir systématiquement sur cet aspect que très récemment (c’est à dire dans le contexte de mes articles sous révision); néanmoins, c’est quelque chose que je savais.

Pourtant, cela m’a complètement échappé quand j’essayais de mettre en place un projet d’amélioration dans ce village où je travaillais. Eh oui; moi même, je n’ai pas intégré mes propres leçons à mon projet.

Que s’est il produit? Après mes études sur le terrain, en 2006, je disposais de fonds pour mettre en œuvre un projet d’amélioration dans un village; je souhaitais que les résidents de Dominase et de Ponkrum décident eux mêmes du projet et, dans la mesure du possible, qu’ils en fassent la conception. Nous avons eu plusieurs réunions avec la communauté pendant lesquelles nous nous écartions du sujet (comme cela arrive parfois) et au cours desquelles les opinions exprimées provenaient surtout des hommes. Cependant, à la fin d’une de ces réunions, l’un de mes exceptionnels collègues ghanéens de l’University of Cape Coast (UCC) a eu l’idée de s’éloigner subtilement de notre groupe et aller se joindre à un groupe de femmes pour discuter avec elles. Je l’avais vu faire, mais je n’ai rien dit. Au bout de quelques minutes, il est revenu et, en passant, m’a dit : « Il faut que nous construisions une garderie. » Kofi avait réussi à justifier le besoin pour les femmes d’avoir une garderie, un plan beaucoup plus pratique et réalisable que tout autre plan qui nous avait été suggéré. Au cours de la réunion suivante avec la communauté, nous avons proposé ce projet et personne ne s’y est opposé; nous avons donc discuté des détails du projet. Quand je suis parti, à la fin de la campagne d’exploration, j’étais persuadé que nous pouvions construire cette garderie et lui trouver du personnel.

Apprentissage

Cinq ans plus tard, il n’y avait aucun développement dans ce projet. On avait moulé les blocs de terre, mais personne n’avait libéré l’espace où il était prévu que soit construite la garderie. L’argent n’a jamais été en cause; mes collègues de UCC se sont régulièrement informés. Chaque fois, ils repartaient avec des promesses que quelque chose se mettrait en branle, mais ça ne s’est jamais produit. Je ne blâme pas l’équipe de UCC; c’était à la communauté de mobiliser de la main d’œuvre pour participer au projet, et à prendre la responsabilité de l’entretien à long terme de la structure. C’est donc la communauté qui était en cause; elle ne l’a tout simplement jamais bâtie.

Toutefois, ce n’est qu’hier, en discutant de tout cela avec un collègue, que l’évidence s’est subitement imposée à mon esprit : avec une garderie en place, les restrictions limitant la productivité et les revenus des femmes diminueraient. La garderie permettrait donc aux femmes d’augmenter leurs revenus; par contre, elle n’offrirait aucun avantage pour les hommes, puisqu’elle n’aurait pas sur leurs revenus les mêmes répercussions. Je possède des données solides pour démontrer que les hommes feront en sorte de contrôler toute augmentation dans le revenu de leur conjointe susceptible de menacer l’ordre social de la maisonnée, même si cela doit entraîner une baisse du revenu de la maisonnée et une réduction de son pouvoir d’achat en nourriture.

Pourquoi, oh, pourquoi donc ai je un instant pensé que des hommes permettraient que cette garderie soit construite? Bien sûr qu’ils ne le permettraient pas.

Je peux invoquer des prétextes pour ne pas avoir pensé à ça entre 2006 et 2008 puisqu’à l’époque, j’étais encore en train d’étudier leurs moyens de subsistance. Depuis trois ans, toutefois, je connais ce comportement fondamental dans leurs règles de subsistance, et je suis au fait de toute l’importance que revêt cet aspect de leur subsistance, même dans des situations de changement comme lors de travaux routiers. Mais toutes ces années pendant lesquelles j’examinais comment d’autres interprétaient à tort les moyens de subsister et mettaient sur pied des concepts d’intervention inadéquats, j’étais moi même en train de faire exactement la même chose.

Médecin, guéris toi toi même.

Rapport d’échec 1.0

Chez Peace Dividend Trust (PDT), nous déballons nos rapports d’échecs. J’avais commencé à en rédiger les grandes lignes pour que le personnel puisse y ajouter ses contributions, puis je me suis ravisé; l’échec part d’en haut. Avant de demander à mon personnel d’écrire quoi que ce soit, j’ai senti que c’était d’abord à moi de faire aller ma plume. J’ai donc dressé une liste de tout ce que PDT fait de travers, vu de 30 000 pieds au dessus, et je l’ai partagée avec Jennifer (notre directrice adjointe) et quelques autres gestionnaires qui y sont allés de leurs ajouts. Puis, j’ai envoyé à toute l’équipe de PDT la lettre qui suit. Nos prochains rapports, eux, mettront l’accent sur nos problèmes opérationnels et incluront un volet approfondissant les solutions proposées, mais voilà déjà un point de départ.

CulturalRevolution.StruggleSession

Rapport d’échec 1.0

Chère collègue,
Cher collègue,

Comme mentionné dans ma précédente correspondance ce mois ci, PDT produira, au début de l’an prochain, un rapport des échecs à l’échelle de l’organisation selon les modèles fournis par Ingénieurs sans frontières. Nous en sommes encore à affiner les directives. Nous inspirant de Cornell West qui se questionnait à savoir, lorsque c’était un échec, s’il était réussi, nous cherchons à établir un modèle qui se concentre sur l’apprentissage par l’erreur. C’est donc dans l’optique d’échouer en beauté que j’ai décidé de rédiger notre premier rapport du point de vue de la direction de PDT.

Portez une attention à cet avertissement crucial : Les échecs dont fait état se rapport ne sont pas ceux du personnel de PDT; ils sont plutôt l’œuvre de notre administration générale, c’est à dire moi, Jennifer, et les autres membres de la direction. Nos gens sur le terrain accomplissent un travail incroyable, et ce, dans des conditions difficiles et souvent dangereuses. Chacune des lacunes mentionnées est le résultat d’une décision ou d’une directive reçue de personnes placées au sommet de l’organigramme de l’organisation.

  1. Nous décernons le premier prix des échecs aux projets de Peace Dividend Marketplace, une organisation qui a acheminé des économies dépassant 600 000 $ en Afghanistan, à Haïti et à Timor. Cette stratégie présente deux problèmes. D’abord, nous n’avons strictement aucune idée de la part de ce montant qui aurait été investie dans l’économie locale, n’eût été notre intervention. Pour certains projets, sans avoir redirigé les fonds, nous en avons accéléré la dépense sur le marché international. À titre d’exemple, là où les donateurs auraient mis plusieurs mois avant de trouver un vendeur local, nous les avons aidés à le faire en quelques semaines. Ces deux démarches ont été bénéfiques sur le plan économique, mais puisque l’on ne peut distinguer les bienfaits de l’une ou l’autre, il est difficile d’évaluer l’impact réel de ces projets. Cela n’est donc pas suffisant. Dorénavant, il nous faudra implanter, dans notre système de pistage de résultats, une nouvelle composante qui tiendra compte de la nature des contrats octroyés.
  2. Toujours dans la veine des échecs de nos projets de cybermarché, nous suivons l’impact économique brut des dépenses à l’étranger plutôt que de suivre leur impact net. Il va sans dire, dépenser 1 000 000 $ d’argent de dons pour acheter du mobilier chinois d’un vendeur kaboulien, ce n’est pas comme dépenser cet argent pour acheter des légumes chez un fermier local à Helmand. Il y a fort à parier que, des deux transactions, la dernière aura un impact économique plus important. Elle entraînera la création d’emplois supplémentaires, et peut être même une augmentation des revenus d’impôt et du produit intérieur brut. Cependant, nous n’avons aucun moyen de mesurer avec précision les effets directs de dépenses locales accrues; par ailleurs, l’approche selon la valeur brute en dollars manque de précision. Elle déforme l’évaluation des bénéfices économiques réels de nos activités et peut entraîner la priorisation de montants importants n’ayant qu’un faible impact local; de plus, cette approche ne crée absolument aucun emploi. Par ailleurs, il nous est tout à fait impossible de prévoir les impacts qui nous permettront de diriger efficacement les activités du projet. Il nous faudra faire beaucoup mieux. Forts de l’expansion de notre équipe d’économistes, Jennifer et moi nous sommes mandés pour mettre au point une méthodologie d’analyse qui pourra ensuite être étendue à nos autres programmes variés dans ce pays. .
  3. Comme nous le mentionnons déjà aux points 1 et 2 ci dessus, nous n’évaluons tout simplement pas suffisamment l’impact de nos projets. Bien sûr, nous pourrions aisément en jeter le blâme sur les donateurs, dont la plupart n’ont pour seul souci que l’évaluation des processus tels le rendement du budget, le nombre de sessions de formation, etc. Cependant, PDT est ardemment convaincu que des données précises influeront l’impact des projets. Il nous faut donc concentrer davantage nos ressources sur celles ci, ce qui nous permettra de faire la preuve que certains de nos projets ont réellement produit des résultats remarquables en matière de réduction de la pauvreté ou de création d’emploi, et que d’autres n’en valent tout simplement pas la peine (ce qui entraînera la dissolution de ces projets pour mettre nos énergies autre part). En ce qui concerne nos nouveaux projets, nous y intégrerons, dans les ententes de contribution, des activités pour en mesurer l’impact et des dispositions assurant qu’il soit d’abord jugé selon ces paramètres.
  4. Notre stratégie de financement, qui est possiblement notre échec capital. Nous sommes devenus beaucoup trop dépendants des organismes d’aide gouvernementaux, ce qui a eu pour effet de nous ralentir et de complexifier notre processus. Notre marge de manœuvre avec les « fonds sans restriction », l’argent que nous pouvons dépenser pour développer et tester de nouvelles idées, est très mince. Nous aurions dû nous pencher davantage sur cet aspect, et le faire bien avant aujourd’hui. J’aurais dû tirer profit de la bonne presse que nous avons eue pour la convertir en soutien financier. D’ailleurs, ce n’est qu’au cours des douze derniers mois que nous avons entamé notre processus de recherche de fonds privés! Lors du premier trimestre de 2011, nous procéderons à l’embauche d’un directeur du développement qui travaillera directement avec moi pour réévaluer l’ensemble de notre stratégie et de nos modes de financement.
  5. Nous avons ignoré les leçons apprises par d’autres. Plusieurs des « nouvelles idées » que PDT développe n’en sont pas vraiment. Quelqu’un d’autre dans l’industrie de l’aide les a déjà imaginées et essayées ailleurs. Il nous faut redoubler d’ardeur pour découvrir des idées innovatrices; ceci nous permettra : a) d’en accorder le crédit lorsque ce doit être fait, b) de concentrer nos précieuses ressources sur des idées réellement nouvelles, et enfin c) de bâtir sur l’expérience des autres pour raffiner ces concepts ou les innover. Comment remédier à cela? Entre autres, en augmentant la curiosité et le dynamisme dont nous faisons preuve dans notre recherche. Il est également possible que Jennifer et moi placions, quelque part dans la zone d’entraînement de New York, une enseigne géante affichant le message « Génial, comme idée. Maintenant, découvrons qui y a pensé le premier. »
  6. Nous avons perdu un temps très précieux (et avons gaspillé des fonds facilement accessibles de nos donateurs) à mesurer l’« impact économique de l’aide ». Il y a 5 ans, lorsque le projet d’impact économique du maintien de la paix avait démontré que seule une infime partie des dépenses internationales était injectée dans l’économie locale, ce travail était important, utile et révélateur. Maintenant, cependant, ce n’est plus nouveau. Ce n’est plus surprenant. Et l’on peut aisément extrapoler, à partir des données recueillies au Libéria en 2007, afin d’estimer l’impact de donateurs dans tel pays en 2010. Toutefois, les donateurs continuent à offrir de payer pour d’autres études; c’est pourquoi nous continuons à en faire. Nous devons mettre fin à cette pratique. Après tout, les nouvelles études permettent rarement d’augmenter l’efficacité de l’aide. Certains de ces projets ne font déjà plus partie de notre fonctionnement. À compter de maintenant, nous nous assurerons que les nouveaux projets d’analyses économiques feront progresser la recherche de façon évidente.
  7. Notre mécanisme d’embauche prend vraiment du retard. Soyons honnêtes; notre organisme a quand même doublé en importance presque tous les ans depuis 6 ans; cela génère de la pression sur nos processus administratifs. Toutefois, si nous voulons conserver dans notre équipe nos honnêtes gens et trouver d’autres personnes comme elles, il nous faudra trouver comment répondre aux besoins de notre équipe PDT de façon rapide, efficace et innovatrice. (Notre département de ressources humaines ne peut rien à cela; il nous supplie déjà de lui fournir davantage de ressources, et je lui promets de les trouver!) Au cours de l’année à venir, nous évaluerons de nouvelles structures de soutien pour les équipes sur le terrain et un budget pour permettre aux ressources humaines d’augmenter leurs effectifs.
  8. Les efforts de communication de PDT sont réellement vraiment pénibles. Avez vous visité notre site Web? Ou encore, remarqué que nous en avions plusieurs? Et c’est sans parler de notre documentation imprimée. Nous avons passé tant de temps sur les accomplissements du directeur senior (c’est à dire moi) que nous en avons totalement oublié l’aspect « dire et se faire porte parole ». Il va de soi que notre personnel assigné au projet est frustré par cette lacune, et que cette frustration ne fait que s’accentuer parce nous continuons de promettre de réparer cet oubli. Ce n’est pas seulement d’un plan dont il a besoin, mais aussi un message clair et une l’aide de l’organisation pour livrer ce message. Il faudrait plus d’une phrase pour expliquer comment remédier à tout cela. Dès le début de l’année à venir, notre nouveau directeur des communications acheminera un plan détaillé qui expliquera non seulement comment pour remédier à ce problème, mais également comment implanter une nouvelle approche innovatrice pour les communications.
  9. Nous avons la critique trop rapide envers les autres. Hier, par exemple, j’ai été lamentable envers Bob Geldoff dans une entrevue journalistique (désolé, Bob, on t’adore). Si c’est vrai que certains dans l’industrie de l’aide méritent de recevoir toutes les critiques qu’on formule à leur égard, dans certains cas, des facteurs complexes imposés obligent les gestionnaires de projets, les OGN et les donateurs à se comporter comme ils le font. Il nous faut savoir reconnaître cela, modérer nos critiques envers les organisations pour plutôt nous limiter à blâmer les conditions et les normes répandues dans l’industrie qui, non seulement acceptent les échecs, mais, dans certains cas, l’encouragent. Honnêtement, je ne sais pas si nous pouvons améliorer ce point. Mais si, au moins, nous nous critiquons aussi vite que nous critiquons les autres, cela sera peut être acceptable.
  10. Cela peut paraître incroyable, mais nous ne disposons de pratiquement aucun système de gestion des connaissances. Notre organisation est pourvue d’un système intranet où sont archivés les documents importants, mais ce système est défaillant. Nous nous évertuons à parler de l’importance pour l’industrie de l’aide et les Nations Unies de saisir ce à quoi Donald Rumsfeld réfère comme les « connaissances connues » , mais nous avons systématiquement échoué dans la tâche de saisir nos propres connaissances. Ce n’est rien pour simplifier la tâche à nos chargés de projets, qui doivent souvent trouver une solution sans pouvoir tirer profit des connaissances d’un autre membre de PDT qui, deux ans plus tôt, a fait exactement la même chose dans le même projet. Afin de remédier à cela, Jennifer et moi entretiendrons notre équipe de la technologie de l’information et aux autres afin de bien définir nos besoins; nous vous proposerons ensuite des solutions.
  11. Toujours en lien avec notre échec précédent, PDT a été d’une hypocrisie embarrassante en demandant à ce que soient implantées, dans l’industrie de l’aide, des réformes qu’elle n’avait pas elle même implantées dans son organisation, dont voici deux exemples. Pendant des années, nous avons invoqué que l’industrie de l’aide devait mettre en place un système de bonus afin de récompenser l’excellence et d’encourager l’innovation. Également, nous avons essayé de convaincre les Nations Unies de créer de nouveaux programmes de reconnaissance afin de souligner les bonnes pratiques de leur personnel sur le terrain. Ces deux suggestions, toutefois, PDT avait tenté d’en faire l’implantation dans sa propre organisation, et cela avait échoué. Par ailleurs, je désire revenir sur les points 1 à 3 ci dessus : certes, nous demandons une augmentation du nombre de données et d’analyses, mais nous n’en faisons pas suffisamment nous mêmes. Comment remédier à cela? Par une prise de conscience de soi. Gardons à l’esprit que PDT augmentera de volume, et alors, on démontrera autant de minutie dans notre examen que nous l’avons fait pour d’autres. Également, voyons un examen comme l’occasion non seulement de promouvoir l’innovation, mais aussi de la démontrer.

Nous accueillerons chaleureusement tous vos commentaires, et espérons avoir le plaisir de travailler avec vous pour remédier à ces échecs dans l’année à venir.

Scott

Échec dans la compréhension du contexte local

Échec

Alors que je venais d’arriver au Kenya, je participais à une réunion sur les fours à économie d’énergie réduisant la consommation de bois d’environ 50 %. Comme j’avais lu quelque part que les fours solaires permettent d’éliminer complètement l’utilisation du bois de chauffage, je n’ai pas pu m’empêcher à un moment de faire remarquer que ça ne servait à rien de même n’utiliser que 50 % de bois de chauffage quand il était possible de ne pas en utiliser du tout.

« Ça ne doit pas faire très longtemps que vous êtes au Kenya », m’a-t-on alors dit, et en effet, dans les mois qui ont suivi, je me suis rendu compte que très peu de sociétés kenyanes ou d’Afrique de l’ouest tolèrent la cuisson des aliments en plein air, à la vue de tous, et sans feu. Je l’ai moi-même vécu lors d’un séjour de camping où, avec mon équipe, nous avons été physiquement menacés à cause de notre cuisson en plein air. C’est en fait un tabou très important pour plusieurs ethnies, et ce avec raison : dans des périodes de famine, montrer à d’autres que l’on possède de la nourriture n’est pas très poli.

Apprentissage

Cependant, les gens sont tout à fait prêts à utiliser un four efficace réduisant de moitié la consommation de bois. Depuis, j’ai pu observer au cours des années de nombreux projets de fours solaires échouer dans leur implantation, me rappelant régulièrement ma propre ignorance à ce sujet.